Nastya était assise sur son lit, transpirante et éclarlate. Après avoir eu un mal de chien à s’endormir, la voilà qui se réveillait à cause de ce satané même cauchemar. Ce mauvais rêve, elle le connaissait par cœur pour l’avoir fait des centaines et des centaines de fois. Toujours la même ombre, comme un spectre, ce même visage masqué qui apparaissait dans ses songes. Et, lorsqu’elle faisait mine de l’observer de plus près, elle se réveillait inévitablement. C’était comme si cette personne ne tenait pas à être identifiée. Franchement, il y avait de quoi avoir peur. C’était comme si le spectre de son rêve était bel et bien réel et savait exactement à quel moment la réveiller. C’était d’ailleurs pour cette raison qu’elle s’imaginait parfois que ses rêves étaient guidés par un sortilège très puissant avant de réaliser que c’était parfaitement ridicule.

Il devait être aux alentours de quatre heures du matin. Étant donné qu’elle avait cours le lendemain, elle essaya tant bien que mal de se rendormir. Elle ne tenait pas à arriver fatiguée. A coup sûr, les autres élèves allaient se servir de son état de faiblesse pour la critiquer encore plus. Cependant, après s’être retournée dans son lit plusieurs fois, elle réalisa qu’elle ne parviendrait jamais à dormir après ce qu’elle venait de voir. Le meilleur moyen était encore de mettre ce temps à profit en lisant un bouquin.
Au même moment, elle faillit avoir la peur de sa vie en voyant débarquer Elena, la dame grise et accessoirement fantôme de Serdaigle dans son dortoir. Comme si elle était déjà au courant de tout ce qui s’était passé, elle l’invita à la suivre sans prononcer un seul mot. Nastya comprit l’invitation, se leva, enfila ses pantoufles et suivit le spectre jusque dans la salle commune où une autre personne était déjà présente. N’étant pas très sociable, elle ne vit pas cette présence d’un très bon œil. Mais, lorsqu’elle tourna son regard vers Elena, celle-ci disparut à travers un mur. Sans doute avait-elle jugé que cela lui ferait du bien de parler à quelqu’un.

« Tu n’arrives pas non plus à dormir ? » demanda-t-elle en chuchotant afin de ne pas réveiller les autres. Ce n’était pas son genre d’aborder des inconnus mais elle faisait pleinement confiance au jugement du fantôme qui savait toujours quoi faire en toutes circonstances. Le garçon, manifestement surpris, se tourna vers elle. Elle l’avait déjà vu, cependant, elle ne connaissait pas son prénom. Elle réalisa qu’il ne devait pas non plus connaître le sien. « Moi, c’est Nastya. Ça te dérange si je te tiens compagnie ? » Après un court instant de doute, elle vint s’asseoir sur le canapé à côté de lui et replia ses genoux contre elle. Tous les deux en robe de chambre, ce n’était certes pas le moment le plus approprié pour faire connaissance mais, après tout, qui est-ce que cela pouvait gêner ?
Elle tenta un sourire dans sa direction. Elle savait que, généralement, sa réputation de fille bizarre la précédait aussi ne prononça-t-elle pas un mot de plus. S’il voulait lui parler, il avait le champ libre. Elle, ne sachant pas s’il faisait partie de ceux qui se foutaient de sa gueule ou non, elle préféra ne pas trop l’ennuyer. S’il désirait être seul, elle prendrait simplement un livre et irait le lire dans un autre coin de la pièce. D’ailleurs, le faire sans attendre sa réponse était de plus en plus tentant. Elle trouvait en effet la lecture beaucoup plus facile que les rapports humains dans lesquels elle n’était pas du tout à l’aise.