Faut-il en être réduit à de si âpres tactiques pour attirer les étudiants dans la bras du savoir. Sont-ils à ce point confus pour qu'ils les confondent avec les bras de Morphée, et qu'il faille un surcroît de confusion - autrement dit, du vernis et de la promotion - pour les ramener dans le droit chemin. Celui de la connaissance. Peut-être est-ce inhérent au dur labeur de professeur que de sentir sa matière abandonnée. Délaissée. Détestée. Voire pire. Choisie par défaut de meilleures options, avec pour sous-titre : sieste accompagnée et berceuse gobeline. C'est une idée, cela dit. Faire un club camping en racontant des contes gobelins. Qui n'existent pas. Les gobelins ne bercent pas les gobelins. D'ailleurs, il n'y a rien à bercer, si ce n'est des berceaux vides. Mais cette parenthèse sur la natalité d'une des espèces les plus patibulaire du bestiaire magique ne nous fait pas plus avancer que monsieur Pinderschloss.
Le voici qui arrive en trottinant, bretelles à motifs incas marrons - désormais en rupture de stock - et un nœud papillon bordeaux. Il manque de trébucher, mais arrive finalement sain et sauf sur son estrade, érigée spécialement pour lui donner plus de ... taille, tout bonnement. Et peut-être une certaine maestria ... criminelle ? Professorale ? Ridicule ? Qu'importe, tant qu'il y a le substantif, il se fout du qualificatif. Ce pourrait même être une maestria tritonnesque, tenez. Il prendrait aussi.
Or donc, ce cher décérébré au regard de perle a tout orchestré. Alors que les étudiants commencent à affluer dans la salle réquisitionnée pour cause de propagande académique, Pinderschloss se racle la gorge et observe son chef d'œuvre d'organisation. Deux trois ornement embellissent pour la circonstance la salle, habituellement dépouillée de toute fioriture - et pour cause, désormais presque dépouillée de toute fonction d'enseignement. Le premier est l'adaptation des planches de Vésale à la nature Gobeline. On en voit donc le squelette, posant sympathiquement, l'air contemplatif. Une coupure de journal montre un gobelin sur fond du Gringotts. Il remue et gesticule, l'œil fou. Telle est l'élégance du gobelin. Mais ces débris séléctionnés avec soin ne sont d'aucun valeur ni d'aucun attrait pour l'œil distrait de l'étudiant moyen.
Ce pourquoi il a eu recours à quelque chose de nettement plus ... catchy. Ses connaissances en jeunes personnes se limitent à ... rien. Mais il est sûr de faire mouche. N'a-t-il pas été jeune un jour ? A moins qu'il ne soit né professeur. Avec un nœud papillon, en vagissant Gob'lin. A l'entrée de la salle un spectre de gobelin tient une banderole NATURE & DECOUVERTE. Slogan à l'évidence - une fois de plus - dérobée à ses précieux compères les moldus. Mais gare, les farceurs ont la névrose de la propriété intellectuelle. Il a toutefois bon espoir qu'aucun moldu ne pénètre en ce sanctuaire de sorcier. Espoir raisonnable. Mais non pas certain.

Pinderschloss a soigné sa mise en scène, affûté son discours d'entrée en matière. Car, ne l'oublions pas, il s'agit de bien plus que de faire un cours. Il s'agit de séduire des ouailles potentielles. De leur révéler la limpidité du jargon gobelin, de leur en faire percevoir l'infinie noblesse, de faire d'eux ses complices dans ses aventures linguistiques, et tant d'autres choses encore. Passionné ? On ne pourrait l'être plus. Il croit avec ferveur à l'esthétique de sa profession. A l'Art qui s'y niche sous des dehors ... qui ne conviennent pas à tous, dirons nous.

Alors que le calme se fait, les yeux se braquent sur l'olibrius arborant le titre de Professeur, qui à lui seul vaut certainement le détour, à moins que ce ne soient les premières vapeurs d'une léthargie inconditionnelle et malvenue. Pinderschloss commence. Il tapote dans ses mains avec un grand sourire de marraine la bonne fée. Perché qu'il est sur ce berceau académique ou se trouvent des enfants. Oui, des enfants. Des novices. Auxquels il ne lui reste plus qu'à attribuer des vertus très utiles pour la suite de leur périple. Grand sourire commercial.

- Mes chers. Mes très chers enfants, je vous souhaite de tout coeur la bienvenue. Cette classe est l'occasion de se divertir... Du moins, pour l'instant, réctifie-t-il, sa première version pouvant prêter à confusion. Non vraiment, qui irait se divertir sur son dos ? Vous êtes en premier cycle et vous êtes sur le point de choisir une spécialisation ? Vous êtes en second cycle mais vous voulez faire des heures sup', et, sans étonnement, ma matière a attiré votre attention. Et bien, je compte bien que vous vous inscriviez à la fin de cette séance ... D'ailleurs, j'ai des bonbons, minaude-t-il d'une voix émoustillée.

Son doigt se tend vers la table derrière lui ou un bocal de friandises bleues attend paresseusement. Technique de pub démodée ? Ou peut-être Pinderschloss a-t-il mis quelque chose dans les dit bonbons. Qui vous feront pousser un bonnet de nuit en peau de castor à trois cornes, ou bien vous feront aimer le gobelin. Ou qui sait, vous feront oublier cette heure de torture à venir pour des âmes peu rodée à l'exercice de cette désagréable langue qu'est le gobelin. Eclair de malice professorale ? Ou bien ringardise latente ? Pour savoir, encore faudrait-il le goûter.

- Seulement pour ceux qui s'inscrivent, çà va de soi, rajoute-t-il, la bouche en coeur.

Mais suite à ce prélude pour le moins ordinaire - à moins que ce ne soit atypique et inquiétant -, le petit bonhomme regarde ses ouailles droit dans les yeux. Rentrons dans le vif du sujet. Sa tactique. Vous avez dit, vendre des cours ? Et bien, Monsieur Pinderschloss considère que c'est comme vendre du rêve : nul meilleur vendeur que l'acheteur. Il suffit juste qu'il parvienne à faire germer une idée dans son esprit chétif, et le sourire disposé du vendeur la fixera. C'est comme la UHU. Sauf que c'est de la UHU magique. Mais rien n'interdit les suppléments, non ? Or donc, c'est plein de superbe que Pinderschloss pose cette question très ordinaire, mais pourtant soigneusement élaborée.

- Il me semble que la désertion de mon cours est due à l'inconscience. L'ignorance. Ce mal fatal qui, dans votre génération., sévit avec un pourcentage inquiétant. Syndrôme de la bovitude acquise, dirons nous. Aussi, il me semble judicieux de commencer par une campagne d'information. Comme je suis certain que cette salle ne comporte pas exclusivement des néophytes, je vous demanderais de bien vouloir répondre à une question. Qui peut me dire quel est l'intérêt de ma matière ?

L'oeil pétillant, Pinderschloss n'a plus qu'à attendre sa publicité. A moins que ce ne soit la déconfiture ? Non, voyons, qui oserait discréditer un héritage ancestral, une tradition robuste, un art, une esthétique. Ce serait ... blasphémer. Il regarde ces visages. Si béats ? Si neutres ? Si cruels ?

- Allons, ne soyez pas timides, mes petits choux.