À toi, mon noir chevalier des temps oubliés,

Ta paume contre la mienne, je la serre et m’évade dans la chaleur d’un passé qui me semble encore bien trop lointain.

Mon cœur s’immobilise devant cette innocence d’antan, et jubile pourtant de retrouver la saveur de la plaine humide, l’écho du fracas de l’élément dévastateur contre la roche de notre terre de jeu. Je pleure de ne plus m’y retrouver une fois encore avec toi, de ne plus pouvoir m’évader dans le creux de tes bras comme autrefois. Je sanglote à l’idée d’une époque révolue, de nos jeux interdits, de nos croisades pour l’aventure. Je conserve ta main dans la mienne et te suis sur ces rochers traîtres, je n’ai pas peur de te perdre, seulement que tu m’oublies, que tu me laisses dans cette détresse qu’est mienne. L’ombre s’étend, cherche à happer ma triste existence pour la rendre plus misérable encore, elle est bien plus malveillante que celle qui préconise l’orage sur ces terres où nous aimions nous perdre, aiguiser notre curiosité, nous perdre dans l’abîme de nos découvertes.

Mais je sèche mes larmes, minn àst, car tu me rappelles à toi et je reviens, tel le félin égaré retourne à son maitre. Il me manque tant, l’enfant qui illuminait chacune de mes journées, inventant à chaque instant un nouveau jeu pour mieux conquérir la terre des anciens dieux. Sommes nous si vieux que nous ne puissions plus rien conquérir dès lors ?

Je m’égare, encore et encore, conserve ta main dans la mienne, ne me lâche plus, ne me délivre plus de ta sombre étreinte, mais délivre moi de ce mal qui me ronge, qui guette chacun de mes moindres faux pas. Reviens-moi mon chevalier abyssal, et retrace avec moi le contour des créatures les plus néfastes qu’il puisse exister sur ces terres sur lesquelles nous pourrions maintenant régner.

À toi, mon oreille attentive,

Hélas mon tendre ami, l’ombre qui me poursuit ne saurait s’éclipser sous la lumière, s’en tirerait grandie, harcèle mon âme, tourmente mon cœur, m’oblige encore et encore à fuir vers l’obscurité écrasante pour mieux la semer. Lui échapper me semble inutile, et ta présence ne saurait rien y changer. Je demeure pour toi souriante, grave dans les arbres nos prénoms ensembles, ravive la plus heureuse partie de mon existence. À tes côtés, ne crains rien, mais sitôt arpente un petit sentier, c’est l’ombre glaciale que je retrouve. Alors pardonne-moi de courir vers le passé qui me semble bien moins effrayant que ce présent qui me torture, de m’éloigner d’un futur que je préconise comme néfaste désormais. Souris moi, aborde moi dans un couloir comme tu sais si bien le faire, et efface de mes pensées le temps d’un instant, les tracas d’une vie qui me pèse. Et si tu ne souhaites plus voir l’enfant, sois l’homme alors, et borde-moi d’histoires à dormir debout, berce moi d’illusions qui me paraitront réelles, glisse ton être contre le mien et laisse-moi respirer ton parfum entêtant. C’est là que notre conquête du monde saura commencer, car mon ambition d’en devenir reine n’a pas évolué, stagnant entre deux occupations.

Mais je m’égare et oublie de te remercier pour ce divin présent, mon cher Docteur Carlson, j’espère un jour pouvoir de nouveau opérer avec vous, le vivant n’a pas fini de nous en apprendre. Je l’affuterai d’ici peu, en souvenir de nos expériences. Pour ma part, cela faisait quelques temps que je devais te l’envoyer, puis te le donner, mais la vieille Dolohov ne m’a guère laissé l’occasion de le faire. Une vieille comptine saura t’ouvrir la boite, en espérant que l’objet te plaise.