Les mains dans les poches, il arpentait le château, à la recherche de quelque chose à faire. Généralement, il aimait aller dans les étages les plus abandonnés, et se poser dans une pièce vide, maculée de poussière et d'objets étranges. Il élut ce jour là domicile dans une salle quasiment vide du sixième étage. Plusieurs minutes durant, il observa les lieux, avant de s'arrêter sur une commode qui émettait des sons étranges. Presque... un grognement? Il n'en fallut pas plus pour attiser sa curiosité, et avec précaution, une baguette à la main, il ouvrit un des tiroirs.
Un nuage de poussière l’enveloppa, et il fut momentanément aveuglé. Toussotant et tentant de retrouver la vue en se frottant les yeux, il fut averti par les gémissements d'un enfant, suivit par une voix forte, venue de nulle part, qu'il aurait reconnu entre mille. "C'est pas vrai! T'es vraiment un moins que rien! " Son père. Il se tenait là, devant lui, comme dans un cauchemar. Il ne hurlait pas sur lui, mais sur un enfant, Jehüdiel, vers ses six ans, recroquevillé au sol. Il n'en crut pas ses yeux. "C'est ça qui me sert de fils?" hurlait son père, en lui jetant un coup de pied, puis deux, et trois, avant d'user de ses poings. Jehüdiel, sentant des larmes lui monter aux yeux, tenta de bouger, de faire quelque chose, mais il demeurait figé sur place, ce fantôme du passé le hantant plus qu'il ne l'aurait pensé. Il regarda alors cette scène, impuissant, figé, comme l'aurait été sa mère, des années plus tôt. Ses jambes se mirent à trembler, et il chuta, à genoux.
Puis, soudainement, il entendit des pas derrière lui, et la scène se déroulant devant ses yeux gagnait en intensité. Il mit une main devant ses yeux, tachant de trouver ce qu'il devait faire, quand soudain les injures paternelles et les cris de lui, enfant, cessèrent, laissant place à une voix féminine, tremblante. "R-Ridikulus." Puis plus rien. Uniquement le souffle régulier de la respiration de sa "sauveuse". Il se releva, et lui tourna le dos, essuyant les larmes qui avaient noyé ses joues. Sa fierté venait de s'évaporer, il devait la retrouver. Lorsqu'il se décida à lui faire face, il découvrit une blonde, frêle, particulièrement belle. Naïve fut le premier mot qui lui vint en tête à sa vue. "C'était un épouvantard." annonça t-elle, visiblement choquée par la scène à laquelle elle venait d'assister. "Oui, merci, je pense avoir remarqué." répliqua t-il, d'un ton sec, froid, méchant. L'orgueil lui brûlait les lèvres, et se sentait humilié. Elle le regarda avec une sorte de compassion enfantine. "T-tu es sur que tu vas bien? Ce que tu as vu était plutôt-" commença t-elle, tentant visiblement de s'assurer qu'il allait bien. Elle venait de découvrir un aspect de sa vie que personne ne connaissait, il comptait bien la faire taire. Il la coupa instantanément. "-horrible? dégueulasse? bouleversant? C'est un épouvantard, petite, pas un livre de contes." lança t-il d'un ton tranchant. Elle recula d'un pas. Il avança d'un même pas. "Mais tu vas être gentille, et oublier ce que tu viens de voir. Compris?" la menaça t-il, l'air mauvais. Il saisit une mèche de ses cheveux blonds et l'enroula autour de son index, avant de rompre ce contact et de terminer la conversation, de son ton le plus froid: "Sinon tu auras de mes nouvelles." Il eut le temps de voir l'expression effrayée sur son visage, avant de faire volte-face, et de quitter cette pièce. Il était certain qu'elle ne parlerait pas, mais d'une manière ou d'une autre, il était persuadé d'avoir un jour de ses nouvelles.