Les fantômes ne lui feront rien, il le sait pertinemment, mais c'est dans sa nature d'être toujours sur la retenue. Peser le pour et le contre, réfléchir avant d'agir. Être effrayé. En improvisant cette balade nocturne, il tente de déjouer ses anciennes peurs. La solitude, combinée aux ténèbres, a toujours été sa plus grande frayeur. Petit, il ne pouvait dormir sans lumière. Avec le temps, il a appris à s'apaiser, à se laisser aller dans les bras de Morphée, mais uniquement lorsque la lune, de sa douce lumière blanche, était là pour le consoler avant le gouffre. Le noir complet l'angoisse. L'oppresse. Le torture. Lui susurre ses horribles visions.
Il écarquille les yeux, et s'oblige à inspirer profondément. Ce soir, il n'est pas seul. La peau veloutée de sa main le rassure. Alors, quand il voit les ombres des torches danser sur les murs, il s'efforce de desserrer l'emprise qu'exercent ses doigts sur la main de Sharly. Elle l'aide à vaincre ses démons. Lui, le peureux. Le froussard. Le fuyant. La poule mouillée. Poufsouffle l'a bien trouvé. Sharly, à ses côtés, est une force de la nature. Une âme puissante, un corps vibrant d'intelligence. Posée, réfléchie, le sang froid. Une pointe de fierté l'envahit. Ils s'étaient aidés l'un l'autre, tirant le meilleur de l'autre vers le haut. Il la revoit, isolée dans un coin, un air hautain et fier inscrit sur son visage. Il s'était approché de l'exilée, parce qu'il se retrouvait dans son mutisme et sa distance. Elle s'était montrée glaciale. Givrante. Elle avait tout de la petite fille parfaite, modelée suivant les désirs rigides des aïeuls. On l'avait canalisée. Façonnée. Il avait vu en elle une personne bien meilleure. Et, pour la première fois, il avait fait preuve d'un réel courage en lui tenant tête. En découlait une profonde amitié, marquée par des débuts chaotiques, puis un apprivoisement mutuel houleux.
Et ils se retrouvent là, à enfreindre le couvre-feu sans réel but. Ils s’avancent dans le couloir qui s'étrécit, aux murs terreux, comme s'il avait été creusé par des mineurs. Le corridor se termine en un espace exigu et ils se retrouvent dans un couloir qui leur paraît être une avenue, après l'étroitesse du passage. Les torches accrochées aux murs ne diffusent qu'une infime lueur, si bien qu'ils côtoient le noir un instant. Là, les démons rôdent. Ils s'agitent, virevoltent et diffusent leurs râles angoissants, et les deux aventuriers d'une nuit se figent. Leur chasse aux esprits bat son plein. L'adrénaline parcourt leurs corps, et Aaron exulte quand les frissons l'assaillent. Il lâche un petit cri, à mi-chemin entre la terreur et la béatitude. Ils sont venus pour ça. Pour voir Poudlard à son heure la plus sombre, à cette heure où les ténèbres règnent en maître. Et le résultat à un goût aigre-doux. Horrifiant et jouissant. Pourdlard est une réserve inépuisable de rebondissements, un mélange qui recèle de surnaturel, où le sentiment de félicité cohabite avec celui d'enfouissement et de perdition. La beauté de ces moments est si chère, qu'Aaron cesse de douter en voyant ces sillages nocturnes. Par magie, averties de la présence des deux intrus, les torches s'embrasent. La lumière met le jour sur leurs visages marqués. L'intensité du moment semble être gravée en eux. Il lance un sourire à Sharly. « Ben dis donc, ça valait le coup ton truc ! Cette ombre qui ressemblait à un géant couplé à un troll, c'était dingue ! » Trop tard. Sa langue s'est déliée. Le flux d'émotions qui l'a parcouru cherche une soupape, un endroit par où s'échapper, et la parole répond à toutes ses attentes. « Bordel, Sharly, t'as assuré sur ce coup là ! » Il déborde. Faite le taire. Il la prend dans ses bras, comme ça, sans attendre. Parce qu'il a besoin de la sentir, vivante, contre lui. Et c'est comme si ses sens étaient décuplés. Contre lui, il sent le palpitant de Sharly faire son travail, aspirant et expulsant le sang à travers tout son corps, et il croit même entendre le bruit régulier des battements.
Les fantômes ne l'atteignent plus.

Enfreindre le règlement est devenu une habitude pour Sharly. Elle n'a jamais respecté le couvre-feu, même en première année, ce n'est pas en septième que cela va commencer. Elle passe ses nuits à vadrouiller dans le château à la recherche d'endroits inconnus et de passages secrets. Le plaisir de parcourir les couloirs déserts de l'école prend le dessus sur les interdictions et les avertissements des professeurs. Souvent, elle arpente les corridors sombres et effrayants seule. Elle adore se retrouver en tête-à-tête avec elle-même dans des lieux parfois insolites. Elle s'allonge alors sur le sol et passe plusieurs heures à penser et à imaginer des tas de stratégies pour rendre la vie de ses enseignants impossible. Parfois, cependant, la présence de quelqu'un lui semble nécessaire. Alors, dans ces moments-là, elle va trouver Aaron et quand elle sent sa paume chaude et douce contre la sienne, elle n'a plus peur. Elle oublie à quel point les ombres qu'elle aperçoit dans les couloirs du château sont effrayantes. Il sait calmer son coeur quand celui-ci s'emballe à la vision d'un mouvement à quelques mètres d'eux. Surement pas plus rassuré qu'elle, sa simple présence suffit pour lui redonner un peu de courage.
Une chasse aux esprits, une cavale dans les entrailles du château, voilà pourquoi Sharly et Aaron se trouve hors de leur lit à une heure aussi avancée de la nuit. La peur leur tord le ventre. Ils ne sont que des élèves - pas si doués que cela en classe, qui plus est - face à des ombres qui dansent et virevoltent, impuissants devant ces fantômes terrifiants dont les râles vous glacent le sang. A côté de Sharly, Aaron pousse un petit cri. Figés, le jeune Poufsouffle finit par desserrer l'emprise de ses doigts sur la main de son amie. Soudain, alors que les ténèbres continuent de régner en maître sur les corridors les plus sombres de l'école, les torches accrochées aux murs s'embrasent. La lumière fait alors son apparition dans le long couloir étroit, chassant toutes traces d'obscurité. ❝ Ben dis donc, ça valait le coup ton truc ! Cette ombre qui ressemblait à un géant couplé à un troll, c'était dingue ! ❞ Pour la première fois où Sharly ose l'emmener dans un de ses endroits favoris, elle n'est pas déçue de la réaction d'Aaron. Il a été effrayé, certes, mais c'est une expérience qu'ils ont partagée tous les deux. Un souvenir de plus à ajouter à tous ceux qu'ils ont déjà entre ces murs. ❝ Bordel, Sharly, t'as assuré sur ce coup là ! ❞ Il n'en faut jamais vraiment beaucoup pour l'impressionner. Poufsouffle n'est, après tout, pas réputée pour accueillir les élèves les plus courageux. Serpentard non plus, cela dit. ❝ Ne t'emballe pas, ce n'était que des ombres. Je n'imagine pas ta réaction si jamais tu te retrouvais face au vrai fantôme de la salle maudite du premier étage ❞ Détendre l'atmosphère, voilà ce que Sharly tente de faire. Elle sent la main tremblante d'Aaron dans la sienne. L'adrénaline les fait encore frissonner et malgré les torches qui diffusent une lumière tremblante et vacillante, la peur n'est jamais loin. La jeune Serpentard sent son corps se détendre peu à peu quand son ami la prend dans ses bras. Son étreinte est forte, puissante, rassurante. Elle passe ses bras autour de son cou, profitant de ce moment pour calmer les battements affolés de son coeur. Elle pose sa tête sur celui d'Aaron, sentant celui-ci ralentir petit à petit pour retrouver un rythme plus ou moins normal. ❝ Pas trop effrayé, ça va? ❞ Elle laisse échapper un rire. Elle se moque, elle ne peut s'en empêcher. Elle resserre son étreinte. Elle cache sa propre peur derrière un masque. Cette fois-ci, elle préfère en rire plutôt que de s'énerver et de faire une crise de colère où seul lui peut la calmer. Aaron le sait, il y est habitué. Ne jamais montrer ses faiblesses, toujours exprimer fierté et détachement. Il a réussi à briser la carapace de Sharly, mettant à jour ses multiples qualités et ses nombreux défauts. Rien ne leur fait peur, tant qu'ils sont ensemble. Ils se connaissent par coeur.